À la veille de la Révolution française, 40 000 juifs vivent en France. Minées de l'intérieur, en proie à de graves dissensions internes, ces communautés sont confrontées au double défi posé par la diffusion de l'idéologie des Lumières et la politique d'uniformisation de leur statut mise en œuvre par le pouvoir royal. Loin d'être un acquis de la Révolution, ou une conséquence de la proclamation de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'octroi des droits civils aux juifs, est l'aboutissement d'un long processus, entamé et en partie mené à bien, par l'Ancien Régime. À bien des égards, la chute de l'Ancien Régime eut des conséquences funestes pour les juifs de Bordeaux et de Bayonne, dont les droits furent repris puis confirmés par un décret du 28 janvier 1790. Moins heureux, les juifs de l'Est durent attendre le 27 septembre 1791 pour que les promesses qui leur avaient été faites par Necker soient tenues. Redevenus citoyens, les juifs ne furent pas épargnés par la campagne antireligieuse et la Terreur. Plusieurs d'entre eux périrent sur l'échafaud, victimes de leurs opinions politiques. Rabbins et chantres abjurèrent et célébrèrent le culte de la Raison. Prenant le contrepied de bien des idées reçues, le livre de Patrick Girard dérangera tous ceux qui s'en tiennent à une vision figée de la Révolution française. Au-delà du rappel des faits, il pose la question de l'aptitude des sociétés révolutionnaires à prendre en compte la spécificité d'une communauté aux contours singuliers et complexes.